C'est avec un grand plaisir que je reproduis ci-après le vibrant plaidoyer en faveur du refendu que Vincent Lafarge avait écrit pour une revue. Celle-ci ne l'a pas publié, son souci légitime de conserver ses annonceurs l'ayant emporté sur le désir qu'elle avait de le faire. On comprendra donc que ce texte n'était pas destiné à l'origine à notre circulaire, ce qui explique sa forme particulière, et diverses références qui pourraient paraître redondantes.


Mois après mois, de nombreux auteurs, sous des prétextes divers au sujet des cannes, nous rappellent que « la grande époque des cannes en bambou refendu, lourdes et difficiles à fabriquer, est bel et bien révolue ».

Les partisans du bambou refendu moderne s'étonnent entre eux de ces affirmations catégoriques. Réunis pour certains au sein du CLUB FRANCAIS DU REFENDU, il leur apparaît que ces propos maintes fois relus et leur écho continuel au bord de l'eau sont simplement le reflet de l'ignorance dans laquelle se trouvent nos confrères disciples de Saint Pierre de ce qui se fait aujourd'hui en la matière.
La construction de refendus modernes demeure confidentielle puisque les intéressés fabriquent pour leurs besoins personnels. Il faut néanmoins souligner qu'Alain OURTILANI et PRESTI'PECHE (M. LEFORT) parmi quelques autres, construisent des cannes selon des données modernes (1) proches de ce que de nombreux amateursactuels recherchent.

Les pêcheurs seraient vite convaincus du bien fondé de notre attachement au noble matériau, mais les idées reçues font obstacle à la démonstration : « mes amis pêcheurs en bambou » vous confirmeront qu'il est presque impossible de confier son refendu artisanal à un «carbone » rencontré sur la berge de la rivière. Le refus est toujours essuyé pour les mêmes raisons:
- « le bambou est lourd, mon poignet est habitué aux cannes légères et je ne saurai pas lancer » ,
- « le bambou est fragile, je ne voudrais pas l'abîmer ».

Si nous pouvions seulement balayer ces idées préconçues et convaincre les pêcheurs d'essayer, simplement d'essayer nos cannes...

Elles sont le résultat de recherches approfondies en matière de profils, menées par plusieurs bénévoles qui ont mis au point des programmes informatiques de calcul (2) élaborés permettant de réaliser la canne désirée ( aucune canne n'étant polyvalente ). Elles sont légères (3) ( structure alvéolaire ), lentes ou rapides, puissantes ou douces, selon ce que souhaite le pêcheur. La gamme des variations est étendue puisque le profil peut être multicône (4), ce qui est radicalement impossible avec le carbone.

En règle générale, les vices d'une canne à mouche - tous matériaux confondus - sont les suivants :

Ces défauts, qui rendent impropres une canne à sa destination, n'ont aucun lien avec le matériau utilisé pour la fabriquer mais avec son profil: mal calculé, il n'assure pas une transmission correcte de l'énergie. Il est relativement facile de les corriger en modifiant celui d'un prototype : un renforcement léger du talon supprime généralement le contre-mouvement de la pointe de scion, l'adéquation des côtes à certains profils éprouvés, tels que ceux de Daniel Brémond, assure une propulsion parfaite de la soie et une précision extraordinaire de l'outil. L'excellente tenue du poisson dépend partiellement du profil mais aussi et surtout de l'utilisation du matériau naturel, sans doute en raison de ses caractéristiques mécaniques, certainement aussi parce qu'il n'«ovalise» pas.

Or, on sait qu'en matière de profil, le carbone impose l'unicité de cône, c'est à dire la diminution régulièrement croissante des côtes de la canne de l'extrémité du talon à la pointe du scion, Il est donc impossible d'apporter les modifications susvisées à un prototype en carbone qui se révélerait défaillant. Les fabricants procèdent donc à de nombreux essais en ne conservant que les meilleurs « profils moyens » et préconisent à grands renforts d'articles les méthodes destinées à remédier aux inévitables défauts : soie « super-glisse » pour pallier les défaillances au ferrage, méthode de lancer « Y » pour tenter d'obtenir des lancers et posés corrects.

Il est incontestable qu'il existe de bonnes cannes en carbone. Il est néanmoins malheureusement impossible de produire une série de cannes identiques. La technique de fabrication autour d'un mandrin conique assure en effet l'existence d'un profil intérieur mais non extérieur. L'élément est poncé lors de la phase finale de fabrication ce qui, bien évidemment, ne peut pas assurer de constance dans les côtes.

Par ailleurs, il est impossible de fabriquer en carbone de petites cannes pour soies légères dignes de ce nom, Les aiguilles à tricoter, selon la formule consacrée, de 6 ou 7 pieds - vous savez, celles qui percent le vent - sont incapables de vous assurer la prise d'un poisson de 400 grammes dans un courant, sauf à utiliser un modèle conçu pour soie de 7 avec tous les désagréments que cela entraîne lorsqu'il s'agit de lancer une soie de 4. En revanche, un petit refendu alvéolé (5) de 75 grammes, conçu pour soie de 4, amènera à l'épuisette en quelques minutes un poisson plus gros, mieux encore que votre carbone préférée de 11 pieds soie de 4 qui de toutes façons était inutilisable dans cette petite rivière encombrée de moyenne montagne !

Une canne de 8 pieds soie de 5 répondra merveilleusement aux attentes du pêcheur d'une rivière moyenne ou large. Il faut savoir qu'une canne « standard » de ce type en bambou refendu recouvre en réalité une variété très étendue de modèles : souple, raide, lent, rapide, à action de pointe, de talon, de milieu, douce, progressive ou rapide, selon les souhaits et les habitudes du pêcheur. Tout cela uniquement en variant le profil et en modifiant les différents cônes. Il n'est pas possible de varier dans une même longueur et pour une même soie le profil et donc les standards de la canne si l'on utilise le carbone comme matériau de construction. C'est là que réside l'intérêt essentiel du bambou refendu.

Une critique répandue vise la longueur des cannes. Le bambou ne permet pas de dépasser raisonnablement 8 pieds et demi et tout pêcheur n'utilisant pas une canne d'au moins neuf pieds n'aurait rien compris à la pêche. La canne courte le contraindrait paraît-il à multiplier les faux lancers pour sortir sa soie, l'exposerait à de multiples « touches arrières », n'assurerait que des « posés bourrasques », rendrait difficile l'arraché d'une soie longue et ne permettrait pas de faire face aux coups difficiles.

Il est vrai que nos cannes font moins de neuf pieds. Mais, contrairement à la rumeur :

La rumeur, toujours la rumeur.

En réalité, les mérites tant évoqués de la neuf pieds synthétique ne doivent pas l'être par rapport au bambou mais par rapport aux synthétiques plus courtes. L'admiration sans faille de certains pour les cannes de cette longueur est due à la sensation de plus grande qualité qu'ils ressentent à leur utilisation. La longueur - et donc la section plus importante au talon - compense en effet une partie des défauts du profil monocône.


Qu'ils essaient, sans a priori injustifié, un bon refendu de huit pieds.

(1) Deux techniques de construction doivent être distinguées. La première, totalement artisanale -, la seconde, semi-artisanale en raison de l'utilisation d'une machine à fraiser les baguettes. La finition obtenue est identique dans les deux cas et le recours à l'une ou l'autre méthode est sans influence sur les qualités mécaniques de la canne qui dépendent d'autres facteurs que la taille: refente, qualité de l'abattage des noeuds, trempe des éléments et préservation des fibres primaires.

(2) Un hommage particulier doit être rendu à Daniel BREMOND dont les recherches en matière de calcul des profils sont à l'origine de la renaissance du bambou refendu, Les profils obtenus après intégration de paramètres variables( numéro de soie, distance de lancer notamment ) n'ont strictement rien à voir avec ceux des cannes fabriquées antérieurement. MM. CAYRE et BODEAU ont de leur côté informatisé la méthode de calcul mise au point par le constructeur américain E. GARRISON et l'utilisation de leur programme, particulièrement aisée, très répandue chez les constructeurs amateurs.

 

( 3) Les poids moyens de quelques refendus de construction alvéolaire sont les suivants:

(4) Le « profil » d'une canne est la représentation graphique des côtes d'épaisseur des éléments formant la canne montée, mesurées tous les dix centimètres. Il peut être monocône si les côtes ont une dégressivité régulière, il est dit multicône lorsque la dégressivité varie d'une section à l'autre ( pente de 2 pour 1000 sur le talon et de 4 pour 1000 sur le scion par exemple ).

(5) L'alvéolage consiste à créer de petites alvéoles à l'intérieur des éléments pour alléger l'ensemble et améliorer les caractéristiques mécaniques.

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